HISTOIRE D'UNE FAMILLE

par Joseph COUROUBLE le 31 Mai 1928




Ayant dépassé la soixantaine, les docteurs viennent de me condamner pour un mois à un repos complet. Au bout de huit jours, cela m'a semblé un peu long et j'ai entrepris de recopier la généalogie de notre famille, travail que j'avais fait vers mes dix huit ans et laissé là depuis lors.
La grande guerre fit même disparaître mon manuscrit; heureusement, mon frère Paul en avait pris copie et c'est d'elle dont je me sers aujourd'hui. Trouvant cependant que cette généalogie n'intéresserait pas beaucoup mes descendants, j'ai pensé qu'une petite notice sur la vie des ancêtres relatant ce que je sais, leur plairait davantage et pourrait servir à leur édification.

MES GRANDS-PARENTS PATERNELS
FAMILLE COUROUBLE-CORNILLE

Cette famille a dû avoir une souche très ancienne à FROIDMONT1 ou aux environs, en tous cas, le nom de COUROUBLE - point trop répandu - se rencontre dans les parages de Lille - Roubaix et Tournai.
Mon arrière grand-père2, né à FROIDMONT s'est marié en 1796 avec une demoiselle Dumortier3, originaire d'Esplechin. Il y a entrepris une ferme. Le ménage eut quatre enfants, mais il ne reste d'héritier du nom que les petits-enfants de mon père.
Mon grand-père, JACQUES-PHILIPPE, (1801-1878) quitta jeune la maison paternelle pour apprendre le métier d'épicier. Il se maria avec Angélique CORNILLE de Marquain et, ensemble, ils entreprirent une petite boutique qui se trouvait dans une rue très étroite située sur la place actuelle de la gare de Lille. Leurs affaires ayant bien prospéré, ils reprirent une maison plus importante de demi-gros dans la rue de Paris. Ensuite, mon grand-père devint filateur de lin, seulement les progrès de la mécanique furent tels que toutes les petites filatures (soixante-quatre à Lille) durent arrêter par suite de la concurrence des maisons puissamment outillées.
Presque ruiné, mon aïeul se remit épicier avec plusieurs de ses fils dans le quartier de Wazemmes, rue Charles-Quint. C'était au moment de l'agrandissement de Lille4 qui fut triplée d'étendue à cette époque. Leurs affaires prirent un nouvel essor et mon grand-père bâtit alors une maison de commerce assez vaste, rue Gantois où il fit de l'épicerie en gros et se livra à la fabrication des chandelles de suif.
Il était très fort, portait des charges d'un poids double de celles de ses ouvriers, ce qui ne l'empêchait pas d'être très ingénieux, car il inventa plusieurs machines pour diminuer le travail ou le rendre plus facile à ses enfants. Il était très gai, toujours de bonne humeur, même dans la mauvaise fortune.
Ma grand-mère de Marquain venait d'une sainte famille. Un de ses enfants, Louis CORNILLE, fut religieux de la Ste Union. Il parlait de sa mère en termes très élogieux dans une notice que j'ai eue en mains et qui fut perdue à la grande guerre. Lui-même, dans ses entretiens et les lettres nombreuses qu'il écrivit à ses neveux et nièces, petits-neveux et petites-nièces trouvait toujours les voies de leur coeur pour les élever vers le ciel. C'est dire ce que devait être ma grand-mère ainsi que sa soeur Louison, qui fut la grand-mère de Maria BAY, ma future épouse.
De ce mariage COUROUBLE-CORNILLE naquirent neuf enfants :
- l’aînée mourut en bas âge.(Elle s’appelait Françoise. °1833+1838)
- la seconde, ELISA, (1835-1902) fut une bonne et sainte fille, toute dévouée à ses parents et travaillant avec eux.
- le troisième, LOUIS, (1837-1897) qui devait devenir notre père, eut la chance de recevoir une assez forte instruction; il suivit des cours d'anglais et, pour se perfectionner dans cette langue et le commerce du lin, il séjourna deux ans en Angleterre. Malheureusement, lorsqu'il revint, on fermait la filature. C'est alors qu'il fit connaissance de celle qui devait devenir notre mère et qu'il maria le 6 Octobre 1866 : SOPHIE HAILLOT. La suite de leur vie sera détaillée plus loin.
- La quatrième, CLARA, (1839-1872) point forte de santé, mourut, je pense, de la poitrine
- Le cinquième CHARLES (1840-1914) se maria avec une demoiselle JUILLE vers 18805. Il voulut à lui seul reprendre toute l'affaire d'épicerie, mais au bout de quelques années, il se découragea, trouvant sans doute l'affaire trop dure pour un seul homme et il se retira. Il eut d'abord cinq filles puis un garçon qui mourut vers l'âge de 20 ans.
- La sixième CELINE, (1842-1906) devint fille de la Charité, sous le nom de Soeur LUCIE. Elle ne fit qu'un seul poste, à Paris, Rue Alibert et avenue Parmentier, suite de la même maison. Elle fut plus de 30 ans sans revenir dans le Nord, n'ayant pu même assister aux funérailles de ses parents. C'était une religieuse d'une grande gaieté, très intelligente et très accueillante à toute sa famille.
- Le septième JULES (1844-1917) et
- le huitième ADOLPHE (1846-1905) travaillèrent dans l'affaire familiale jusqu'au décès de leur mère et le mariage de leur frère Charles en 1880. Ils ne pensaient pas se marier et se retirèrent des affaires avec leur soeur Elisa. Ensemble ils furent très charitables envers mon père et aussi envers mes plus jeunes frères qu'ils accueillirent chez eux pour les héberger afin qu'ils puissent suivre les cours d'écoles chrétiennes sans les grands frais de pension à payer. A tous trois notre famille doit une grande reconnaissance.
- Le neuvième ALPHONSE naquit en 18506. Il fit aussi le commerce d'épicerie et d'huile. Il construisit une habitation et un atelier en face de chez lui, au 11 rue Brûle-Maison à Lille. Il se maria à Ronchin près de Lille avec Eugènie ERNECQ et eut deux enfants: Lucie7 et Achille. Ce dernier, déjà docteur, avait le désir de devenir professeur en médecine. Il est mort au champ d'honneur à Hebuterne le 14 Juillet 1915 à l'âge de 28 ans. Il fut tué en allant porter secours à un lieutenant de sa compagnie. Décoré de la Légion d'honneur, il reçut la médaille militaire à titre posthume.

MES GRANDS-PARENTS MATERNELS
FAMILLE HAILLOT-MEURISSE
puis HAILLOT-TISON

La famille HAILLOT, de bonne bourgeoisie, est originaire de Paris. Mon arrière grand-père maternel s'unit à une demoiselle Roubier de Calais. C'est du côté de cette dernière, je pense, que la famille HAILLOT était apparentée avec la famille d'Alexandre RIBOT8, Académicien, grand parlementaire et trois fois président du conseil du gouvernement. Je dirai plus loin en quelles circonstances celui-ci nous rendit un grand service. Mon arrière grand-père maternel était receveur des douanes, ce qui fait comprendre que, né à Paris, il se maria à Calais où il eut plusieurs enfants, puis alla à Anvers et à Lille et finalement mourut à Saint Rémy (Anvers était à cette époque sous la domination de la France)9.
Il eut neuf enfants:

- L'aîné CHARLES a dû être officier; en tous cas, son fils CHARLES le fut mais il mourut I5 jours après sa nomination au grade de Général et son petit-fils le fut beaucoup plus longtemps car il fut de longues années chef de l'état major général au ministère de la guerre.

- Le second eut quatre enfants; j'ai eu l'occasion d'en connaître un, MELANIE, qui avait deux enfants dont l'un mourut vers ses vingt ans en 1882. Ils habitaient Nantes.

- Le troisième fut mon grand-père, Isidore HAILLOT. Il était fabricant de sucre et de bleu d'azur à Haubourdin près de Lille. Il se maria d'abord avec une veuve qui avait un enfant; de ce premier mariage il eut deux filles : JUSTINE qui mourut à quinze ans et CELINA laquelle se maria avec Raoul BAUDECHON qui avait un frère officier et l'autre prêtre. De leur mariage, ils eurent trois enfants: l'aînée GABRIELLE qui devint religieuse de la Mère de Dieu; le second ADOLPHE devint père chartreux; la troisième, MARIE qui se maria avec Léon FABRE, lequel fut notaire d'abord à Hacqueliers et ensuite à ETROEUNGT. De leur union naquirent quatre enfants.
Ma tante CELINA, sa fille religieuse et son fils chartreux, reposent dans le cimetière de Tournai par suite de la persécution qui a chassé de France les ordres religieux10.
Devenu veuf, mon grand-père se remaria avec Catherine-Sophie TISON, dont je parlerai plus longuement par la suite. Ils eurent trois enfants :
** L'aîné ISIDORE fit ses études d'ingénieur à Chalons, il entreprit une grosse affaire de chauffage central et se maria avec une demoiselle Fiévet de Corbehem. De leur union, naquirent six enfants, lesquels se sont tous mariés; l'un d'entre eux a également une famille de six enfants.
** Puis vint JULIEN qui ne marcha pas sur les traces de son aîné. Il fit partie de l'expédition du MEXIQUE11 où il prit la mauvaise habitude de boire de l'absinthe. De retour en France, il se maria contre le gré de ses parents, mena une vie misérable et mourut à l'hôpital à l'âge de 41 ans. Il eut trois enfants : l'un décéda en bas âge et nous avons perdu les autres de vue.
** Enfin ce fut ma mère SOPHIE HAILLOT dont je parlerai plus loin. Malheureusement mon grand-père ne vit pas sa dernière fille car il mourut avant sa naissance d'un chaud et froid contracté en allant aider pour un incendie.
- Le quatrième, LOUIS-AUGUSTE, fut pendant 34 ans chef de gare à Amiens où il se maria avec une demoiselle Mangin, laquelle mourut à 92 ans. De leur union, ils eurent trois enfants dont l'une se maria avec M. Gouttière, chef de gare à Abbeville, mais ils n'eurent pas de descendants. Le deuxième Ernest mourut vers l'âge de 15 ans d'un accident. Enfin, Marie vécut avec sa mère, mais mourut dix huit mois avant elle. Cette personne, très bonne, sympathisa beaucoup avec ma femme et nous fûmes toujours très bien accueillis par elle et sa mère, laquelle ne nous a pas oubliés dans son testament.
- Du cinquième, ADOLPHE, je ne sais pas grand-chose, mais il a été marié et avait une fille, MARIE, qui était 1a grande amie de ma mère. Elle mourut assez jeune.

- Les sixième et septième moururent en bas âge.
- Quant aux deux derniers, MELANIE et FELIX, ils tenaient avec leur mère un magasin de jouets dans la rue Esquermoise à Lille où je me rappelle avoir été, tout jeune enfant. Marie, la fille d'Adolphe vivait chez eux.
Après le décès de leur mère, ils se retirèrent rue Colbert où ils firent toujours très bon accueil à mes parents et à nous tous. C'étaient de vénérables patriarches et j'entends encore à mes oreilles les mots charmants de ma vieille tante, qui m'allèrent au coeur, lorsque j'eus l'occasion d'aller leur présenter ma future: "soyez la bienvenue dans notre famille", dit-elle.
L'oncle FELIX, doué d'un grand bon sens et d'expérience, était d'un bon conseil dans les affaires difficiles. Ce fut lui qui mourut le dernier à 86 ans et nous fit également figurer sur son testament. A leur mémoire, nous serons reconnaissants.

FAMILLE TISON

La famille de ma grand-mère maternelle, originaire de Fenain, près de Douai, était dans la culture; ce devait être une famille très chrétienne, car une soeur aînée, devenue Madame Lecœune, fut la mère de deux prêtres. L'un fut longtemps professeur au petit séminaire de Cambrai, l'autre mourut curé de Villers-Outréaux vers 1885. Un des frères aînés monta également une grosse maison d'épicerie, rue Solférino à Lille, et eut une nombreuse famille. Je n'ai aucun détail sur ses autres frères et soeurs.
A l'époque de son mariage, ma grand-mère était demoiselle de magasin à Lille où elle fut certainement remarquée par sa grande distinction native; jamais je n'aurais pu croire qu'elle venait du village. Je ne sais rien d'elle avant le mariage de mes parents, mais je pense qu'après le décès prématuré de son mari, elle se retira à Lille pour se consacrer exclusivement à ses enfants.
C'était une personne extrêmement bonne et dévouée qui, à Tournai et Villers-Guislain, vint rester avec mes parents pour les aider à élever leur nombreuse famille. Je la vois toujours avec un enfant sous un bras et, de l'autre, s'occupant de la cuisine, puis, lorsque l'enfant était couché, se mettait soit à raccommoder, soit à tricoter.
Elle était très pieuse, allait à la messe presque tous les jours et se retirait une heure ou deux l'après-midi dans sa chambre pour y lire des livres de piété. Sa chambre était comme un petit oratoire, un Christ sur pied placé sur la commode avec la statue de la Sainte Vierge, aux murs des tableaux religieux assez grands, ont impressionné nos jeunes âmes.
SOPHIE, restait seule avec sa mère à l'époque de son mariage. C'était une personne fragile et rien ne semblait l'avoir préparée à la vie qu'elle devait accomplir. J'ai entendu dire que la parenté se demandait comment elle aurait la force de mettre un enfant au monde; eh bien, elle eut onze enfants malgré sa santé chétive!

MES PARENTS
FAMILLE COUROUBLE-HAILLOT

Mes parents se sont unis le 6 Octobre I866.
Mon Père était un homme extrêmement sérieux, ne riant jamais avec ses enfants. Il ne pensait qu'au travail et à ses soucis (avec une si grande famille, il n'en a pas manqué). Il était distingué dans ses manières et avait conservé de l'Angleterre deux petites côtelettes devant les oreilles, mais pas de moustache ce qui lui donnait un peu la figure d'un magistrat.
Ma mère était très chrétienne et très pieuse; elle était souvent au lit et malgré ses souffrances, elle avait toujours la physionomie souriante. Elle vivait certainement toujours en la présence de Dieu, mettant pleinement en pratique les paroles qu'elle redisait encore sur son lit de mort : "Je veux ce que Dieu veut, tout ce qu'Il veut et comme Il veut".
Ce fut un ménage modèle. J'avais dix-neuf ans lorsque ma mère est morte; à cet âge, sans même s'en rendre bien compte, on observe déjà beaucoup; eh bien, je puis dire qu'entre mes parents, je n'ai jamais entendu un mot plus haut que l'autre, ni vu le moindre geste d'humeur ou d'impatience.
Après leur mariage, mes parents s'établirent à Tournai, rue du Pont, près de l'Eglise St Brice; c'est là que les trois aînés sont nés.
Mon père, associé avec un de ses amis d'Angleterre, comme commanditaire, faisait le commerce du lin qu'il allait acheter dans les campagnes environnantes. Puis, il le revendait à des filateurs de Lille. Il se rendait toutes les semaines aux marchés de Ath et de Courtrai. Parfois le mercredi, j'étais heureux et fier, lorsqu'une pluie inattendue survenait, d'aller jusqu'à la gare au devant de lui pour lui porter un parapluie.
Les affaires prospérant et la famille augmentant, mon père fit l'acquisition d'une plus grande maison, quai des Poissonceaux avec une annexe donnant sur une rue voisine; il fit des travaux assez considérables aussi bien pour l'aménagement de la maison que des magasins.
A cette adresse naquirent encore quatre enfants.
Survint en 1877 la concurrence des lins russes qui découragea pour un certain temps les producteurs de lin en Belgique.
Mon père, chargé de famille, ne pouvait rester inactif et il se mit à la recherche soit d'un moulin, soit d'une brasserie considérant que, dans l'avenir, certains de ses enfants pourraient l'aider. Son choix se fît sur une brasserie située à Villers-Guislain12 et le premier Mars 1878, l'affaire marchait à son compte.
Il eut beaucoup à faire : d'abord la construction d'une maison suivie de l'aménagement d'une écurie et d'une étable; puis deux ans après il déplaça une grange qui se trouvait au milieu de la cour, tout en la doublant de proportions.
D'autre part, il devait apprendre un nouveau métier tout en étant contrecarré par un personnel depuis longtemps habitué à faire à sa guise.
Quand il eut paré au plus urgent, un originaire du pays, M. Barbare, s'étant mis en désaccord avec son beau-frère, se mit lui-même à construire une brasserie. Cela fît une grande brèche dans la clientèle et mon père fut forcé de voyager pour l'étendre ou, tout au moins, faire assez d'affaires pour vivre. Cela fut très dur et tant que les aînés ne purent venir l'aider d'une manière efficace, c'est à peine si l'on gagnait de quoi vivre. Par ailleurs, les années 1883 à 1886 furent désastreuses, par suite du prix exorbitant des houblons. C'est dire que nous avons été élevés avec une très grande économie et obligés de nous mettre sérieusement et de bonne heure au travail. Les trois aînés, JOSEPH, PAUL et LEON avaient été mis en pension à Cambrai chez les Frères; c'est là que par un triste après-midi du 24 Mars 1879, un domestique vint nous chercher en carriole pour nous ramener à la maison, nous annonçant que notre petite sœur ELISE était décédée. C'était la première fois que la mort frappait chez nous, aussi cela nous fit-il une grande impression.
Au mois d'Août de la même année, nous fûmes avisés que le pensionnat des frères à Cambrai serait fermé. Voulant nous conserver le même genre d'éducateurs chrétiens, nos parents envoyèrent les trois frères au pensionnat N.D. de la Treille13 à Lille. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire, mais pour ma part, j'ai toujours regretté de changer de maison, surtout que nos années d'instruction furent courtes.
En 1880, je n'avais pas quatorze ans lorsque mes parents me firent revenir pour commencer à les aider et leur donner la facilité d'envoyer en pension un de mes jeunes frères. Deux ans après ce fut PAUL qui vint prendre sa tâche, puis mon frère LEON, un an ou deux après.
En 1883, mes parents eurent la grande douleur de perdre l'unique fille qui leur restait, MARIE, atteinte d'une fièvre typhoïde (ou muqueuse). Quelle désolation ce dut être pour notre pauvre mère ! Mais nous étions trop jeunes alors pour la comprendre.
Six mois après, ce fut le tour de notre grand-mère de nous quitter; elle mourait contente, a-t-elle dit, en voyant que le sacrifice de sa vie avait été accepté par Dieu qui avait rendu une demi santé à notre chère maman.
En 1881, mes parents me demandèrent si je serais heureux d'être parrain du bébé qu'ils attendaient; je répondis affirmativement; malheureusement, l'enfant arriva mort-né; ce fut une nouvelle source de larmes pour toute la famille.
J'attendis donc le suivant, mais mon oncle ADOLPHE de Lille ayant manifesté le désir d'être parrain, car il ne l'avait jamais été, je dus lui céder la place. On le baptisa Adolphe, du nom de son parrain. Je ne fus donc parrain que du dernier de la famille, mon frère GERY, lequel naquit le 9 Août 1885.
Mais notre pauvre mère s'épuisait de plus en plus et au mois de Novembre de l'année suivante, elle mourut d'une maladie du coeur et du foie. Grande fut notre désolation de même que celle de mon père, se retrouvant seul avec huit garçons. Il faut être passé par des épreuves semblables pour le comprendre. Au point de vue humain, et en se plaçant dans le contexte de l'époque, l'événement était désastreux pour notre famille; mais après bien des années, on a le droit de penser que notre mère nous a été plus utile par ses intercessions dans le ciel qu'en restant sur la terre. Nous avons été tellement protégés dans des passes très difficiles que je ne puis croire autre chose.
En 1887, j'allais subir le tirage au sort en Belgique et eus la chance de tirer un bon numéro. Deux ans après, mon frère PAUL eut le même bonheur; mon frère LEON fut moins heureux et il fallut lui payer un remplaçant.14
En 1888, mon frère PAUL déclara à notre père qu'il ne se plaisait plus dans les travaux de la culture. Pour chercher de nouveaux débouchés à notre brasserie, mon père pensa à établir un dépôt de bière à St Ouen près de Paris; il y alla quelques mois pour installer PAUL, malheureusement à cette époque notre bière n'avait pas la qualité actuelle et ne se conservait pas longtemps; aussi, l'affaire donna des résultats négatifs et fut abandonnée un an après.
Néanmoins, la situation financière s'améliorait peu à peu. J'avais commencé une tournée de voyageur à l'âge de 16 ans, puis mon père m'en confia d'autres et après la mort de notre mère, je les fis toutes, notre père restant attaché à la maison. La mort de ma mère m'avait, d'un seul coup, formé le caractère ainsi que la volonté plutôt nulle jusqu'alors. Mes frères se formaient également.
En 1890, JULES vint à son tour et s'occupa spécialement de la culture. Au fur et à mesure que les forces diverses arrivaient dans nos entreprises, on améliorait et transformait le matériel de la brasserie. Vers 1892 on reprit les quinze hectares en location du Grand Sart pour donner à JULES un travail plus intéressant.
Les années passèrent ainsi à travers une intense activité, sans grand événement d'ailleurs, jusqu'en 1896.
Au mois de Mars de cette année, nous perdîmes notre grand-oncle CORNILLE, religieux de la Ste Union lequel avait fondé un orphelinat à Autreppes près de Ath (Belgique). Il mourut saintement comme il avait toujours vécu et dans une extrême pauvreté; c'était vraiment un saint homme.
En revenant de l'enterrement, mon père eut l'occasion de remarquer Maria BAY, la fille de l'un de ses cousins germains15. Comme depuis quelque temps je cherchais, sans trouver personne à mon goût, l'occasion de me marier, il m'en parla. La dot ne sera pas grosse, me dit-il, mais je connais la famille et je pense que cette personne pourrait faire ton bonheur. Des pourparlers furent engagés et à la première entrevue, je fus conquis.
Le mariage eut lieu le 5 Septembre 1896. Si j'en parle déjà, c'est que Maria a été tellement et immédiatement de la maison que je ne puis séparer les débuts de notre mariage de la vie du ménage COUROUBLE-HAILLOT. Voulant placer notre union sous la protection de Notre-Dame de Lourdes, nous fîmes le voyage à Lourdes et rentrâmes à Villers-Guislain le 15 Septembre. Quatre jours après, le 19, la brasserie fut complètement détruite par un incendie. C'était désastreux, mais heureusement, nous étions assurés et notre chiffre de vente, qui avait bien augmenté, n'en souffrit pas car des confrères bienveillants, M. Barbare entre autres, nous offrirent d'aller brasser chez eux les jours où ils ne brassaient pas.
Immédiatement, l'on se mit au travail, des plans furent établis rapidement, mon père s'adressa à divers constructeurs et voyagea de côté et d'autres afin d'assurer la livraison rapide des matériaux et du matériel. Quant à moi, je restai au milieu des ouvriers comme chef de chantier durant trois mois afin d'accélérer le plus possible la reconstruction. Début Janvier, la fabrication de la bière reprenait.
Le 16 Janvier 1897, je repris mes tournées de placement quand vers le soir, étant à Villers-Guislain, on vint m'annoncer un nouveau malheur. Notre père était tombé du deuxième étage des bâtiments de la malterie en reconstruction. Je ne me rendis pas compte immédiatement de l'accident et ce ne fut qu'en arrivant à la maison que j'en connus l'étendue. Mon père était sur son lit de mort; il était tombé sur la tête et avait été atteint à la tempe. Il s'agita encore un peu mais ne prononça plus une parole.
Que dire devant un pareil malheur! Humainement c'était encore un désastre pour la famille. Nous étions loin d'être riches ayant encore d'assez fortes dettes envers nos oncles; la brasserie fonctionnait, c'est vrai, mais il restait à reconstruire les bâtiments de la malterie. La tâche était bien lourde et il fallait, pour la mener à bien, une entente parfaite entre tous les frères. Celle-ci fut heureusement maintenue grâce au dévouement de ma chère femme qui s'occupa de tous comme l'eut fait une soeur aînée qui aurait toujours connu ses benjamins. Son dévouement a eu ceci de particulier qu'il s'ignorait lui-même; il était tellement naturel que ceux qui en étaient l'objet ne s'en rendaient pas compte. Avec le recul des années et l'expérience de la vie, on peut s'imaginer ce qui serait arrivé si ma femme avait eu une autre attitude. Aussi, si entre autres choses je suis reconnaissant à mon père de m'avoir désigné celle qui devait devenir mon épouse, mes frères doivent avoir le même sujet de reconnaissance envers lui.
Mes frères et moi, nous nous remîmes courageusement au travail et nos efforts furent récompensés visiblement car cette année de 1897 vit le maximum de notre production qui dépassa 7000 hl de bière, c'est-à-dire, plus du double qu'en 1883.

LES HUIT FRERES COUROUBLE

Avant de passer à l'histoire de mon propre mariage, je vais maintenant parler un peu de la vie de mes frères.
PAUL ayant approché la capitale chercha à y rester; il entra comme employé chez notre oncle Haillot qui dirigeait une entreprise importante de chauffage central. Peu à peu, il se mit si bien au courant qu'en l'année l895 il reprit un petit fond d'entreprise de chauffage, rue Pergolèse; ses affaires prospérant, il bâtit une maison avec atelier rue du Débarcadère.
Malheureusement, il fut moins heureux en ménage. Sa première femme, Jeanne Bleuze, après lui avoir donné une fille, MARIE, sans grande santé, mourut dix huit mois après. Il se remaria avec Hélène Dujardin qui devint malade au bout de peu de temps et mourut ensuite. Il resta donc seul jusqu'après la guerre et se remaria une troisième fois avec Julia Deplaix dont il n'eut pas d'enfant.16
Pendant la guerre, durant quatre ans et demi, il s'occupa avec grand dévouement des trois filles de notre frère Léon surprises par les événements et séparées de leur mère. Il s'est retiré à Savigny-le-temple où il s'est remis à travailler la terre...dans son grand jardin.
LEON, après m'avoir aidé pendant trois ans pensa à se marier fin 1899. Sa femme Claire lui donna quatre enfants: trois filles, JEANNE, LUCIE et MARGUERITE, et un garçon, Louis qui mourut en bas âge. Il alla reprendre une brasserie avec culture à Aisonville-Bernoville dans l’Aisne. La brasserie était ancienne, il l'améliora et y dépensa bien de l'argent qu'il n'eut pas le temps de regagner car il fut victime d'un terrible accident. Le 24 Août 1905, il revenait de Bernot par un chemin creux; dans une forte descente; il aperçut une charrette de moisson dont il se gara, mais ne vit pas une seconde charrette sur laquelle il se buta la tête. Il fut assommé du coup et ne prononça plus une parole. Il était mort.
Devant un pareil malheur, je fis tout ce que je pus pour aider sa veuve à conserver son affaire et mon frère Jules, à cette époque sans position, prit la direction de la brasserie pendant une grosse année. Mais ma belle-soeur, ayant préféré cesser, se retira à Cambrai avec ses enfants où elle perdit malheureusement son dernier, Louis.
J'ai parlé plus haut de MARIE qui fit sa première communion dans son lit avant de mourir.
ISIDORE fit une terrible maladie en bas âge. Je le vois encore dans son petit lit d'enfant, raide comme une planche, une image de N.D. de Lourdes épinglée au dessus de lui. Notre mère promit de faire tout ce qu'elle pourrait pour qu'il devint prêtre; elle eut la joie de voir ISIDORE commencer ses études de latin. Originaire du diocèse de Tournai, il partit d'abord au petit séminaire de Bonne Espérance en Belgique. Mais le milieu belge ne lui plaisant pas, il obtint d'entrer au petit séminaire de Cambrai. Il fit ensuite un an à Solesmes, revint au Grand séminaire de Cambrai pour passer enfin quelques années à l'Université Catholique de Lille. Il fut ordonné le 1er juin 1901. Désirant enseigner l'anglais, il se perfectionna dans l'étude de la langue grâce à un séjour de quelques mois en Angleterre... mais il fut désigné comme professeur d'histoire et de géographie au collège St Jean de Douai où il resta quelques années. Il fut ensuite vicaire de la paroisse St Jacques de Douai, puis curé à Saint Rémy du Nord et aujourd'hui curé de La Sentinelle près de Valenciennes.
Pour exercer la prêtrise en France, mon frère fit une demande de naturalisation; or, l'administration lui fit savoir que cela n'était pas nécessaire vu que nous n'avions jamais cessé d'être français, attendu que notre grand-père paternel était né en Belgique sous la domination française en 1801. Cela pouvait se discuter, mais comme cette thèse donnait à tous la qualité de français, grâce à de simples formules de réintégration, nous l'acceptâmes. Seulement, nous tombions alors sous le coup des lois militaires. En conséquence, les aînés Paul, Léon et moi adressèrent un dossier de pièces témoignant que nous n'avions pas eu à faire notre service militaire en Belgique. Nous fûmes appelés devant un conseil de révision à Lille et là, je fus stupéfait d'apprendre que pas une pièce n'était arrivée à Lille; nous fûmes tous les trois déclarés "bon pour le service". Il y eut là une manoeuvre politique ou une vengeance de village sur laquelle je ne veux pas m'appesantir. L'affaire était terrible pour nous tous : je venais d'être père de mon aînée et avec Louis, nous étions les seuls à pouvoir diriger l'établissement. C'est alors que j'écrivis un rapport, détaillant la situation à notre oncle Isidore HAILLOT qui fit une démarche auprès de M.RIBOT, sénateur, ancien président du conseil des ministres et, grâce à son intervention, la décision du conseil de révision fut annulée et nous fûmes quittes de toute obligation militaire. Isidore eut la chance d'être placé dans les services auxiliaires.
JULES fit deux ans de service militaire à Cambrai, puis revint prendre sa place de cultivateur à la maison. Mais ses idées ayant évolué, il se décida à partir comme colon en Nouvelle-Calédonie. Avant cela, il se maria à Paris avec Marie-Louise HUBERT.17
On lui accorda une concession sur les rives de la Poya, mais l'administration, en grand défaut, ne le mit pas en garde contre de graves dangers d'inondation. Après avoir travaillé plus d'un an à se bâtir un logement et à défricher une certaine étendue de terrain, il fut surpris par un orage terrible, la rivière déborda et il dut se réfugier sur le toit de son baraquement pour ne pas périr. Tout le fruit de son travail était perdu. Il abandonna la partie et s'employa quelque temps dans une administration des mines de nickel, puis, il revint en France en Août 1905.
Il arrivait juste au moment de l'accident mortel de mon frère Léon, aussi accepta-t-il d'aller aider sa veuve un certain temps. Puis, il partit rester à Argenteuil; il travaillait alors chez notre frère Paul. Mais le goût de la terre l'ayant repris, il loua une grande exploitation à Fourqueux, près de Saint Germain en Laye. Il commençait à prospérer lorsque la guerre survint. Envoyé à Maubeuge au début des hostilités, il y fut fait prisonnier tout de suite et envoyé en Allemagne. Il y resta quatre ans, employé dans une ferme. Pendant son absence, sa femme aidée par notre frère Paul, put continuer à diriger la ferme. A son retour, le propriétaire ayant manifesté le désir de la reprendre, Jules se décida à acheter une petite exploitation agricole dans l’Yonne où il réside actuellement.
De son mariage, il a eu quatre enfants : l'aînée FRANCESCA née en Nouvelle-Calédonie, s'est mariée le 23 Septembre 1926 avec Maurice HENRY, de Pouru Saint Rémy, le dernier frère de l'un de mes gendres; le second JEAN, puis deux jumelles MARTHE et SUZANNE.

J'arrive à ALPHONSE. Celui-ci eut d'abord la pensée de devenir Frère des Ecoles Chrétiennes, mais avant de prononcer ses voeux définitifs, il vint à la maison demander si l'on voulait bien de lui car il ne se plaisait plus chez les frères. Nous ne l'avons pas renvoyé. Peu à peu, il se mit au courant du travail et faisait une partie des tournées qui étaient devenues plus nombreuses par suite du commerce des vins et liqueurs que j'avais ajouté à notre brasserie.
Peu de temps après son service militaire, ALPHONSE se maria contre notre gré avec une bonne personne, mais qui n'avait pas de santé. Il eut d'elle deux enfants MADELEINE et MAURICE. Il perdit sa femme peu après. Voulant son indépendance, il partit prendre la gérance d'une brasserie-coopérative à Le Quesnoy où, quelque temps après, il se remaria avec Marie-Thérèse Favier de laquelle il eut trois filles : LUCIE, MARIE-HENRIETTE, et MARIE-ODILE.
Ayant été réformé par suite d'un accident, mon frère ne fut pas soldat pendant la guerre, mais par contre, fut gravement malade.
Après l'armistice, je me mis avec lui et mes deux filles aînées pour faire le commerce de ravitaillement; quelques mois après, je le quittais pour retourner à Villers-Guislain, lui laissant alternativement l'une de mes filles pendant encore quelques mois.
Nous ne savons pas comment les choses se sont passées, mais quelques années après son installation, il fut forcé d'abandonner son affaire et se retira à Croix afin de trouver plus facilement des occupations pour ses enfants qui grandissaient et un emploi pour lui-même.

ADOLPHE fit de très bonnes études au collège N.D. de Grâce à Cambrai. Ses examens terminés, il partit à Lille suivre les cours de médecine à l'Université Catholique; il résidait alors chez nos oncles continuant la protection dont ils avaient toujours couvert les enfants de leur frère Louis et ne demandant qu'une modeste pension. Au bout d'un couple d'années, Adolphe se découragea et demanda à son tour à revenir à la brasserie. Concurremment avec Géry, il s'occupa pendant quelques années de brasser et de voyager, puis, l'envie de se marier lui vint; nous nous mîmes donc à la recherche d'une brasserie et notre cousin Fabre, notaire à Etrœungt18 dans le Nord, lui en mit une en mains dans cette même localité; peu de temps après, il lui trouva une femme, Lucienne MERCIER.
Le ménage avait deux enfants lorsque la guerre survint; nous n'avons jamais revu mon frère car il fut tué près de Neuville Saint-Vaast le 25 Septembre 1915 et porté disparu; son corps ne fut point retrouvé19. Après la guerre, sa veuve a liquidé honorablement la situation; elle est rentrée dans sa maison paternelle où elle reprit le commerce d'épicerie tout en s'occupant de l'éducation de ses deux enfants, LUCIEN et LOUISE.

GERY : Comme les oiseaux s'envolent du nid, mes frères m'ont quitté au fur et à mesure que les forces leur venaient. Seul Géry, le dernier, est resté beaucoup plus longtemps et comme je n'avais pas de garçon, j'avais pensé qu'il serait un jour mon successeur.

Pendant qu'il faisait son service militaire, je lui faisais bâtir une maison à deux pas de la brasserie et peu de temps après, il se mariait avec la fille de notre voisin d'en face, Melle Elisa GRENEZ. Mon frère fit bien son devoir pendant la guerre et fut blessé deux fois très grièvement.20
Lorsque nous nous revîmes, ses idées avaient aussi évolué et sur les renseignements que lui procura mon beau-frère, Alfred BAY, il se décida à acquérir une brasserie à Pouru Saint Rémy dans les Ardennes. Après la guerre et près de dix ans de mariage, il eut la joie de devenir le père de deux enfants ELISABETH et ACHILLE.

LA FAMILLE DE MA FEMME
Ses grands-parents paternels : BAY-CORNILLE

Avant de faire l'historique de mon propre ménage, je dois parler de la famille de mon épouse.
Son grand-père, Jean-Baptiste BAY était de la neuvième génération d'une nombreuse famille de Froidmont élevée dans la même ferme. Cela nous fait remonter au 16 ème siècle. Au nombre de ses frères, j'ai connu le grand oncle Armand, vieillard très digne qui fut longtemps bourgmestre de Froidmont.
Jean-Baptiste épousa Louisa CORNILLE et vint reprendre la ferme de la pannerie à Marquain où se fabriquait également des pannes et des tuyaux en terre cuite. De cette union naquirent six enfants. L'aîné, JULES, naquit en 1839 et mourut en 1890.
Le second, ALPHONSE, fut le père de ma femme dont je parlerai plus loin.
Le troisième VICTOR, naquit en 1844; il fit de bonnes études jusqu'à une vingtaine d'années mais préféra revenir ensuite à la pannerie qu'il dirigea jusqu'à sa suppression. C'était un homme très digne qui avait plus d'une ressemblance avec mon père.
La quatrième, la seule fille de la famille, en était aussi la gaieté; elle se dévoua entièrement à sa mère qui fut longtemps infirme, puis à ses frères.
Le cinquième eut malheureusement des crises nerveuses et mourut relativement jeune, à 46 ans.
Enfin, le dernier, ARTHUR, après le décès de ses frères Victor et Lucien, et d'accord avec son frère Alphonse, loua la ferme de la pannerie. Il vint se retirer avec sa soeur à Marquain dans une maison proche de la ferme d'Alphonse. Il pensait y achever tranquillement ses jours quand, peut-être moins de deux ans après, sa soeur mourut à la suite d'une courte maladie. Il se remaria avec Melle Caillez d'Orcq de laquelle il eut trois filles. Malheureusement, cette personne n'était pas forte et il eut la douleur de la perdre avant la guerre.
Pendant celle-ci, mon oncle eut beaucoup de tracas car il était bourgmestre de Marquain et cela abrégea certainement ses jours. Il mourut en 1918. Au retour de son enterrement, nous dûmes nous coucher dans des fossés de crainte d'être atteints par un bombardement d'avions anglais qui cherchaient à détruire un parc d'aviation allemand.
L'aînée de ses filles mourut de la poitrine à Lille, dans le courant de 1919, tandis que les deux plus jeunes furent confiées à des religieuses qui retournaient en France.

Ses parents : FAMlLLE BAY-BALLANT.

Alphonse BAY, d'un caractère très gai, contrairement à ses frères qui ne riaient pas souvent se maria en 1870 avec Victorine BALLANT, orpheline et fille unique du mariage Ballant-Truffaut.
Ils entreprirent une petite ferme à Marquain, puis en acquirent une autre, voisine de la leur, en 1876. C'est à cette époque qu'Alphonse BAY contracta la terrible maladie de la petite vérole et qu'il manqua de mourir. Ce fut une bien grande épreuve pour sa femme. Il en sortit néanmoins mais resta fortement marqué.
De leur union naquirent 5 enfants:
- La première, MARIA, vint au monde le 3 Novembre 1872; c'est elle qui devint ma femme et dont je parlerai plus amplement par la suite.
- La seconde, ZULMA, s'unit à Louis BURY de Templeuve (Belgique). Ils eurent d'abord un fils, JEAN, puis des jumeaux LOUIS et NELLY.
- La troisième, LOUISA, qui était une jolie jeune fille à vingt ans, dut subir plusieurs opérations et sa santé laissa toujours à désirer depuis lors.
- Le quatrième, ALFRED à l'époque de mon mariage, s'occupait des champs mais trouvait l'exploitation trop exiguë. En 1904, ayant appris qu'une brasserie allait être vendue à Honnecourt, j'allais lui proposer de reprendre cette affaire en association pendant dix ans. Nous nous entendîmes très bien pendant cette période. Il se maria en I906 avec Berthe Bodart de laquelle il eut trois fils: Raymond, Gaston, Simon. Comme nous, il eut à subir la guerre, fut évacué dans les Ardennes avec sa famille et, lorsqu' il revint à Honnecourt, tout était rasé.
- La cinquième, IRMA, naquit en 1891, treize ans après Alfred. Quand je me suis marié, c'était une belle enfant dotée d'une magnifique chevelure. Elle se maria en 1918 avec Gaston Ponthieu lequel, avec son père et son frère, était brasseur à Marquain. Son mari abandonna la brasserie pour reprendre la ferme de la famille à 1'expiration du bail. J'ai omis plus haut de préciser que mon beau-père avait affermé sa ferme après le départ d'Alfred pour la France. Ils ont deux enfants: Henri et Raoul.
Ma belle-mère fut atteinte d'un cancer au sein et malgré l'opération mourut moins de deux ans après. Ce fut une grande désolation pour le père de ma femme qui fut atteint peu de temps après d'une congestion dont il ne se remit qu'en partie. Il décéda en 1908.

MA PROPRE FAMILLE :
FAMILLE COUROUBLE-BAY

J'ai raconté plus haut comment je fus mis en rapport avec la famille du cousin de mon père, Alphonse BAY à Marquain. Les filles de mon cousin avaient un genre très distingué et les personnes qui n'auraient pas connu leur origine, n'auraient jamais soupçonné qu'elles étaient les descendantes d'un petit fermier de Marquain. Elles étaient bonnes chrétiennes, bonnes ménagères, travailleuses; aussi, lorsque j'eus fait la connaissance de ma cousine Maria, je n'hésitais pas à la demander en mariage. La sympathie fut réciproque et le mariage eut lieu quelques mois après, le 5 Septembre 1896.
Après la cérémonie religieuse, toute la parenté se rendit à Tournai dans les salons de l'hôtel de l'Impératrice où se fit le repas de noces. Mon frère Paul, garçon d'honneur, s'acquitta fort bien de sa tâche; la noce fut des plus gaies et pleine d'entrain. Mon frère eut le temps de compter qu'il y avait dans l'assistance 13 invités portant le nom de COUROUBLE, 13 portant le nom de BAY et 13 divers.
J'ai raconté ce que fut notre début de mariage, rempli de soucis et de larmes, mais cela ne dura pas toujours. Au mois de Juillet 1897, nous eûmes la joie d'hériter de notre première fille MARIE-LOUISE. Cette enfant fut la poupée vivante de mes frères comme de nous-mêmes; elle apprit à marcher sur une grande table autour de laquelle nous nous trouvions réunis le soir. A huit mois, elle se mit à trottiner de 1'un à l'autre. Elle n'était pas grande car elle ne se baissait pas pour passer sous les tables. Elle n'avait pas deux ans qu'il fallut l'opérer d'un petit kyste placé au côté d'un oeil; cela n'était rien mais donnait beaucoup de crainte à sa mère.
Au mois de Mai 1899, MARIE-THERESE arriva à son tour. Elle fut d'une meilleure santé que son aînée, avec une nature beaucoup plus volontaire. On eut de la peine à la dresser et elle eut plus d'une fois affaire à ses oncles qui ne 1a ménagèrent pas.
En l'année 1900, j'entrepris un grand travail. La grange étant notoirement insuffisante pour y loger les récoltes de plus en plus fortes, j'en triplais la contenance. J'amenais de la force motrice dans la grange pour y faire du coupage et j'avais même pensé y placer une machine à battre, ce à quoi je renonçais ensuite.
En 1901 eut lieu l'ordination de notre frère Isidore. Il vint dire sa première messe à Villers-Guislain. Aussi, avec l'aide de mes frères, nous organisâmes une fête magnifique. La population du village fut pleinement de coeur avec nous et décora les rues avec beaucoup de goût. Une tente fut installée dans la cour pour recevoir tous les invités. Cette fête laissa à tous le meilleur souvenir.
En 1902, ce fut le tour de LOUISA de faire son apparition. Je crois me rappeler que nous plaçâmes cette année là Marie-Louise21 à Gouzeaucourt chez les soeurs de la Sainte-Famille d'Amiens qui durent malheureusement se séculariser en 1904. Les deux autres fillettes y allèrent également lorsqu'elles furent suffisamment grandes. Nous conduisions les enfants le lundi matin et nous allions les reprendre le samedi soir. Ainsi, tout en recevant une bonne éducation, elles n'étaient pas privées complètement de la vie de famille puisqu'elles venaient s'y retremper toutes les semaines.
En 1903, ayant appris qu'une brasserie d'Honnecourt22 fermait, j'allais m'entendre avec le propriétaire pour reprendre son vieux matériel et sa clientèle. Je m'occupais particulièrement de celle-ci, ce qui renforça sensiblement notre affaire de Villers-Guislain.
En 1904, la brasserie souffrait de la concurrence du cidre qui paraissait s'implanter dans nos régions. Par l'entremise de mon frère, Léon, je fus mis en rapport avec la distillerie moderne de St Quentin qui venait d'être mise en actions. Cette maison fabriquait du cidre, des liqueurs et mettait à la disposition des actionnaires les vins et spécialités qu'ils pouvaient placer. Je pris une action et me mis à vendre du cidre, des vins et des spiritueux. Cela augmenta le profit mais aussi le travail. Deux ans après, je fus sollicité pour entrer au conseil d'administration, ce que j'acceptais malgré mon peu de compétence. Cela me fut grandement utile en raison du contact assez fréquent avec des hommes très compétents dans les affaires. J'acquis ainsi de nouvelles connaissances et pris beaucoup d'assurance dans les discussions amiables que nous eûmes ensemble.
Ce fut le 30 Décembre 1904 que naquit, YVONNE, notre quatrième fille.
En 1908, nous plaçâmes nos deux aînées23 chez les Dames de l'éducation chrétienne à Tournai, cette maison nous ayant été recommandée par l'Abbé Marichelle de Villers-Guislain. Les plus jeunes y allèrent à leur tour lorsque l'âge fut arrivé. Nous avons eu pleinement satisfaction de cette institution qui éleva nos enfants chrétiennement et selon notre rang.
Le 6 Juin 1909 naquit notre dernière fille, EMILIE, qui fut la choyée de toute la famille.
Rien de bien saillant ne marqua les années de 1909 à 1914. On travaillait dur et des améliorations continuelles étaient apportées à notre installation.
En 1913, il fut installé dans notre région une ligne de distribution d'électricité et nous en profitâmes pour éclairer tout notre établissement. Toute émerveillée, mais prise d'une sorte d'intuition, Maria disait : " qu'est-ce qui va arriver ?" On le vit par la suite et ce fut terrible. Et moi je disais: "tout est bien en ordre, il ne manque pas un clou".
La distillerie de St.-Quentin ayant cessé la fabrication du cidre, je me mis à en fabriquer et en 1914, je préparais une installation, notamment trois cuves en ciment-verre pour la conservation du cidre. A signaler aussi que, sur l'initiative de M. l'abbé Lefebvre, curé de Villers-Guislain, les meilleures familles du pays s'unirent afin d'établir une école libre pour les filles dans la commune. Celle-ci fonctionna à partir de 1912 jusqu'au moment où l'on fut forcé par les allemands de quitter l'église et de se servir des classes pour la célébration du culte. Après la guerre, tout était rasé. La famille de Prémont ayant perdu son chef, ne revint pas dans le pays et la population, étant diminuée de moitié, on ne put envisager la reconstruction et la réouverture d’une école libre. Cela fut regrettable car l'on reconnaît encore les jeunes filles qui ont passé quelques années dans cette école.
C'est aussi au mois de Mars 1914 que Maria mit au monde, avec de grandes souffrances, un petit garçon qui, malheureusement, arriva mort-né. Grand fut notre déchirement! Il faut passer par une telle épreuve pour comprendre la douleur des parents lorsqu'ils viennent à perdre l'un de leurs enfants. Emilie, qui n'avait pas encore cinq ans, ne voulait pas que l'on mette l'enfant dans le cercueil ni qu'on le conduise au cimetière. Elle disait : "J'irai le rechercher".
Puis, le 3 Août 1914, ce fut la déclaration de guerre; le départ de Géry et de tout mon personnel en âge de mobilisation. Obligé de prendre des hommes plus âgés, non initiés au travail, des difficultés de tous genres furent à surmonter. Il y en aurait trop à dire dans le cadre de cette petite notice. Ce fut une lutte tout à fait inégale pour conserver nos biens, hélas inutile. Peu à peu, l'ennemi nous dépouillait de tout. Ce qui nous fut le plus pénible, ce fut d'abord l'arrachement de tous les cuivres du matériel de brasserie, ensuite, l'évacuation du village le 19 Février 1917. Avant notre départ, nous vîmes l'ennemi préparer des mines pour faire sauter les puits, citernes et même certains bâtiments; mais je me dois de signaler que pas une larme ne fut versée par les habitants de Villers-Guislain qui entrevoyaient la fin de la guerre puisque l'ennemi devait reculer. Hélas, elle devait encore durer dix-huit mois !
Embarqués à Gouzeaucourt, les habitants de Villers-Guislain furent expédiés dans les Ardennes et descendirent à la lueur des torches à la gare de Mouzon d'où ils furent conduits dans l'église du lieu, transis de froid, pour y passer une nuit blanche. Ramenés le lendemain en face de la gare, ils furent parqués dans les pâtures comme des troupeaux, comptés de même par quelques maires des communes voisines à qui les Allemands donnaient l'ordre de loger un certain nombre d'entre-nous. Nous fîmes partie du lot destiné à Beaumont où nous arrivâmes vers quatre heures du soir. Aucun habitant du pays ne s'intéressait à nous; ce fut au bout d'une heure et demie qu'un Allemand vint nous offrir un peu de café chaud.
On nous attribua d'abord une petite maison ouvrière abandonnée où ne se trouvait absolument rien. Révolté, j'allais trouver le commandant allemand qui ordonna au maire de nous conduire chez un épicier où deux chambres convenables et un grenier furent mis à notre disposition. Je pus obtenir un poêle bas servant à faire bouillir une lessiveuse et ainsi faire un peu de feu avant de pouvoir nous jeter sur un lit; nos enfants couchèrent sur la paille pendant plusieurs jours. M. Cugnot, notre propriétaire, nous aida un peu à la longue à améliorer notre situation, mais sa femme y mit toujours la plus mauvaise volonté; c'était une ardennaise pur sang.
Le ravitaillement était tout à fait insuffisant; ce ne fut qu'un peu à la fois, et en enfreignant les consignes allemandes, que nous pûmes trouver par-ci, par là, à quelques kilomètres, un peu de lait écrémé ou des féveroles réservées aux bestiaux. Plus d'une fois, Maria nous dit le matin qu'elle n'avait pas faim afin que la part des enfants soit un peu plus grande. Nous fûmes quatre mois sans recevoir une pomme de terre. Heureusement, la belle saison arrivait, nous fîmes la chasse aux escargots et, du terrain que M .Cugnot m'avait prêté, je tirais quelques légumes.
Un nouveau malheur s'abattit sur nous dans la nuit du 24 Juin. Le feu prit dans le grenier attenant à nos chambres; nous pûmes cependant sauver nos principaux vêtements, mais plus d'un petit souvenir de famille fut soit perdu soit volé.
Le commandant allemand nous conduisit alors dans une maison convenable, mais où il n'y avait plus de mobilier. Des personnes charitables - il y en a tout de même partout- qui avaient deviné un peu qui nous étions, vinrent cette fois-ci à notre secours et nous procurèrent l'indispensable.
Nous sommes restés juste un an dans cette maison.
Ayant eu l'occasion de causer avec le commandant allemand, je pus lui dire que nous étions originaires de la Belgique et obtenir d'y être conduits. Ce fut une protection de la Providence, car, épuisés comme nous l'étions, l'un ou l'autre d'entre nous aurait pu mourir le jour de l'évacuation de Beaumont lors de l'avance des alliés, soit au cours de bombardements, soit encore de la fièvre espagnole. Plusieurs habitants de Villers-Guislain sont morts ces jours-là.
Arrivés inopinément à Templeuve, chez mon beau-frère, BURY-BAY, celui-ci nous trouva au bout de quelques jours une petite maison sur la route de Roubaix où nous vécûmes paisiblement jusqu'à l'arrivée des alliés. Nous y accumulâmes même des vivres, tellement nous avions peur de manquer encore de ravitaillement, la guerre se prolongeant toujours.
Les allemands quittèrent Templeuve sans combat à la fin d'Octobre 1918, mais ensuite, du haut du Mont de la Trinité, ils se mirent à tirer sur les anglais. Un soir, nous revenions de chez ma belle-soeur (son mari avait dû partir avec les allemands, lors de leur recul), quand les obus se mirent à tomber autour de nous. La véranda de notre petite maison vola en éclats. Pris de panique, nous partîmes pour Toufflers, abandonnant tout ce que nous possédions encore. Deux heures plus tard, je revins chercher notre valise qui contenait des papiers importants.
Après avoir couché sur la dure une couple de nuits, on nous attribua une petite maison où il fallut faire un nettoyage des plus sérieux, l'une des pièces ayant servi quelques jours d'écurie.
A quelque temps de là, je pus obtenir un laissez-passer pour aller à Lille. J'arrivai dans cette ville au soir tombant, obligé de m'aider de mes mains pour y entrer par la porte de Tournai, les Allemands ayant fait sauter tous les ponts autour de la ville. Je me dirigeais alors chez mon oncle Alphonse qui était déjà couché par raison d'économie de charbon et de lumière.
Dans les grandes villes, la vie fut plus dure encore que dans les campagnes durant toute l'occupation allemande.
Apprenant que la maison24 qu'avaient habitée nos oncles Jules et Adolphe était presque libre, j'obtins l'autorisation de notre oncle Alphonse de venir y installer ma famille. Quelques jours après, avec la bonne volonté d'officiers anglais, nous emportions nos bagages de Templeuve et de Toufflers pour venir vivre à Lille. Nos plus jeunes enfants purent y suivre des cours, ils retournèrent ensuite à Tournai lorsque le pensionnat rouvrit ses portes.25
Au mois de Décembre 1918, je partis à pied pour Villers-Guislain. A Ronchin, je tombais sur un autobus qui s'en allait à Orchies. De là, je gagnais St Amand à pied. En cet endroit, je profitais d'un camion jusque Valenciennes d'où, toujours à pied, je gagnais Le Quesnoy où je trouvais mon frère Alphonse, seul chez lui. Il était séparé de sa famille depuis le début de la guerre. Après nous être raconté l'un à l'autre le plus gros de nos misères, je le quittais le lendemain pour Solesmes. La ligne de Solesmes à Cambrai n'étant pas détruite- ou elle avait été rétablie- je profitais d'un train anglais en partance pour Amiens qui passait par Gouzeaucourt. Après trois heures d'arrêt à Cambrai, le soir arrivant, je laissais là le train dans lequel se trouvaient des évacués partis d'Anvers pour Amiens depuis huit jours et qui n'y arrivaient jamais.
Après avoir passé une nuit sans sommeil sur un sommier élastique dans la mansarde de la seule petite auberge rouverte à Cambrai, je pris le matin la direction du pays. Sur la route de Masniéres, je rencontrai un camion chargé d'hommes se rendant à Gouzeaucourt et j'en profitai pour me joindre à eux. Arrivé à destination, je les quittai pour gagner Villers-Guislain. Le chemin était aux trois quarts obstrué: le long des talus, des débris de matériel de guerre, des cadavres hâtivement enterrés et, de même que partout dans la campagne, à bien des endroits la terre paraissait comme une écumoire tant il y avait de trous d'obus.
Je commençais la visite du pays par le cimetière. Le spectacle était affreux; les tombes dynamitées laissaient voir des corps à travers les cercueils éventrés par les obus; je fus émotionné au dernier des points. De là, je me rendis à travers champs sur le terrain de notre établissement. Quelle désolation ! Il avait été brûlé, dynamité, et les combats d'artilleurs avaient achevé sa complète destruction. On peut dire que c'était l'abomination de la désolation !
Dans une partie de cuve verrée, j'avais placé bien des objets précieux, des souvenirs de famille. Tout avait été éventré, plus rien ne restait de nos biens. Je mangeai un morceau de pain au milieu de nos ruines et parcourus ensuite une partie du village. C'était le même tableau partout et il était même difficile par place de reconnaître où se trouvaient les anciennes rues. Pas un être vivant, un silence effrayant... le temps me parut très long et je fus tout surpris en regardant ma montre qu'il n'était pas encore deux heures.
Je regagnai Cambrai à pied, par Bonavis et la grand-route. Le spectacle était le même jusque Masniéres; le village était lui aussi bien abîmé mais il n'avait pas été détruit systématiquement.
A Cambrai, je me rendis à l'habitation qu'occupait ma belle-soeur avant la guerre; elle l'avait quittée environ deux mois auparavant. Un portrait en grand de ma femme remplaçait le carreau cassé d'une fenêtre; je vis d'autres objets et les cachai de mon mieux. Je regagnai ensuite mon gîte de la veille.
Le lendemain, je fis la route de Douai à pied. Après bien des recherches, je finis par trouver mon frère l'Abbé Isidore. Lui aussi avait dû quitter Douai, mais pour peu de temps. Après quelques semaines de séjour à Mons, il avait pu regagner son poste de vicaire à St Jacques. Après avoir pris un léger repas avec lui, il me conduisit sur une place où j'eus la chance de trouver un camion se dirigeant sur la route de Lille; j'en profitai pour quelques kilomètres, mais ensuite, je dus continuer à pied jusque Pont-à-Marcq où j'arrivai à bout de forces. J'allais renoncer à gagner Lille ce jour-là quand tout à coup un camion vint à passer au tournant de la route d'Orchies, juste au moment où j'allais entrer dans une auberge. Je sautai dedans et une heure après, j'étais à Lille au milieu des miens après un voyage éreintant de quatre jours. La pluie n'avait pour ainsi dire pas cessé, mon parapluie s'était cassé et c'est avec sur le dos une couverture trouvée dans une écurie à Villers-Guislain que je fis mon retour. Je devais avoir l'air d'un parfait chemineau !

Après avoir correspondu avec mon frère Alphonse, il fut convenu que nous allions tenter de faire un peu de commerce ensemble. Pour cela, bien sûr, il fallait des marchandises, aussi, pour nous en procurer, nous nous donnâmes rendez-vous à Paris chez notre frère Paul. De Lille, il fallait presque une journée en train, car nous étions obligés de remonter jusque St Pol pour gagner Paris. On nous demanda quatre mille francs pour la location d'un camion destiné à ramener au Quesnoy les marchandises que nous aurions trouvées. Cela ne nous fit pas reculer tant on aspirait à toutes sortes de choses dans le Nord complètement vidé et privé depuis si longtemps.
Comme je l'ai dit en causant d'Alphonse, je le laissai au bout de quelques mois continuer seul ce commerce d'approvisionnement. Alfred BAY étant venu me trouver à Lille pour voir si l'on ne trouverait pas de la bière et du vin, je lui fis mes conditions pour une association momentanée, prévoyant un arrangement pour le jour de la séparation.
Nous fîmes 1'acquisition d'un camion Renault à Paris et, les affaires marchant bien, au mois de Février 1920 je partis avec notre chauffeur chercher un Berliet à Lyon. Il fit cette année là un temps superbe et le voyage de Lyon à Roubaix fut très agréable. Nous ramenions dans cette ville un chargement de fil d'acier pour une fabrique de ressorts et nous allâmes ensuite prendre du vin à Lille pour le conduire à Honnecourt. S'il était facile de vendre à cette époque, il était très difficile de trouver des marchandises et des moyens de transport et je me suis donné beaucoup de peine pour cela.
Au bout d'un an, nous nous séparâmes pour rebâtir chacun notre brasserie. Je faisais la navette toutes les semaines entre Lille et Honnecourt. En revenant à Villers-Guislain, je voyais que la vie renaissait peu à peu dans nos villages; des cultivateurs travaillaient à abattre des murs et à nettoyer des briques pour la construction de maisons provisoires. Ils auraient pu faire mieux, mais la désorganisation était complète et l'on ne savait par quel bout commencer. D'aucuns obtenaient des baraques, soit par effet du hasard, soit par favoritisme; pour nous, je pense que c'était le contraire. Désespéré de n'en pas obtenir, je fis plusieurs voyages infructueux dans le Pas-de-Calais. Enfin, je trouvai un baraquement en tôles à Auxi-le-château et un autre en bois à Etaples. Ils furent expédiés à Gouzeaucourt et notre camion les transporta à Villers-Guislain. Pour rentrer dans la cour il dut manoeuvrer à reculons tant le sol était couvert de décombres et percé de trous d'obus.
Le baraquement en tôles fut placé sur les anciennes caves de la grange que les allemands n'avaient pas eu le temps de faire sauter; il nous servit de bureau et de magasin pendant plusieurs années. Le baraquement en bois, transformé et agrandi, fut installé à proximité.
Au mois de Mai 1920, je ramenai ma famille à Villers-Guislain. N'ayant que des filles26, nous avions fort hésité à le faire, mais tout le monde se montra bien vaillant et peu à peu, les ruines disparurent. Je sentis que c'était notre devoir et puis, nous nous disions : "Quoi qu'il arrive, en cultivant la terre nous aurons toujours bien une vache pour profiter de son lait et nous récolterons des pommes de terre."
Nous avons eu mieux que cela et pouvons être reconnaissant à la France qui, instrument de la Providence, nous a rendu non sans peine, ni sans délai, tout ce que nous avions perdu.

Le premier bâtiment reconstruit fut pour l'écurie et l'étable27, mais avant d'y mettre les chevaux, c'est dans l'écurie que je fis le repas de noce de MARIE-LOUISE, laquelle se maria le 10 Octobre 1921 avec François PELZER, éleveur de bestiaux à Carignan dans les Ardennes et dont la famille est originaire de Liège.
Je m'attaquai ensuite à la brasserie dont je fus l'ingénieur et l'architecte. Je la fis construire sans malterie28, très simple et modeste car à cette époque, je n'avais plus confiance dans l'avenir de la petite brasserie dans nos pays dépeuplés. Elle n'était pas encore aménagée lorsqu'eut lieu le 9 Octobre 1922 le mariage de MARIE-THERESE avec Michel HENRY dont la famille paternelle était dans les forges à POURU dans les Ardennes. Le repas se fit dans l'atelier destiné à la mise en bouteilles de la bière.
Au mois de Mai 1923, nous mettions la brasserie en route. Après quelques tâtonnements, nous arrivâmes à fabriquer une bière convenable, d'une conservation meilleure qu'avant guerre.
Puis ce fut la construction de la grange suivie de celle du poulailler et de la remise; tous les animaux furent bien logés avant que nous ne pensions à notre habitation définitive. Cette dernière fut presque terminée pour le baptême du petit JOSEPH29 fin Décembre 1923; le repas eut lieu dans la grande cuisine qui était terminée.
En 1926, ce fut la terrible maladie d'Emilie dont tous ses proches ont conservé le triste souvenir.
Puis, le 28 Août 1927 vit le mariage d’YVONNE avec Charles MOURLAS-PEYRAMALE dont les ancêtres ont pour parent Mgr de PEYRAMALE qui était curé à Lourdes au moment des apparitions de la Très Sainte Vierge. C'est ainsi qu'entre le Nord et le midi, dans le temps et l'espace, un trait d'union a été tiré à travers toute la France.

Marie-Louise a maintenant quatre enfants, deux filles Marie-Josèphe et Marie-Thérèse et deux garçons Pierre et Jacques.30 Elle a versé bien des larmes et a eu bien des inquiétudes depuis plus d'un an au sujet de son petit Pierre, lequel, atteint d'une teigne animale a eu, par suite d'un traitement aux rayons X tout le cuir chevelu brûlé, consommé; il est heureusement hors de danger actuellement.31
Marie-Thérèse a trois solides garçons qui promettent pour l'avenir: Joseph, Jean et Paul.
Avant de terminer, je veux dire quelques mots sur le modeste rôle social et politique que j'ai dû remplir. Si un bon père de famille se doit à ses enfants, j'estime que s'il se trouve en présence de certains devoirs sociaux, il ne doit pas hésiter à les accomplir.
Notre saint curé, M. Leducq, me demanda de faire partie du conseil de fabrique (les pères d’Eglise comme on disait alors à Villers-Guislain). J'ai conscience d'y avoir rendu des services utiles. A la suppression du concordat, les biens d’Eglise ayant été confisqués, les conseils de fabrique ont été dissous et remplacés par des conseils paroissiaux dont j'ai toujours fait partie, mais qui n'ont guère eu grand rôle à remplir.
En 1904, je fus nommé conseiller municipal, mandat que je remplis pendant huit ans. Mais en 1912, une cabale jalouse empêcha ma réélection lors du renouvellement du conseil. C'est un grand service qui me fut rendu alors, car si j'avais été conseiller municipal pendant la guerre, j'en aurais bien souffert et n'aurais peut-être pas eu toujours la patience et la résignation nécessaires.
Après la guerre, on me demanda d'accepter le poste de président de la Société Coopérative de reconstruction; je ne savais pas à quoi je m'engageais, mais j'acceptai par devoir. Au jour qu'il est, ce devoir n'est pas terminé. Il m'a coûté bien des heures et causé bien des insomnies.
En 1919, lors de nouvelles élections municipales, j'arrivai en tête de liste, mais j'eus la peine, lors de la nomination du maire, de voir trois de mes colistiers voter contre M. de Prémont qui les avait portés sur sa liste. Déjà malade, ce dernier mourut peu de mois après; cette ingratitude de la population abrégea certainement ses jours.
Ce fut M. Barbare qui, désigné comme maire, dut s'occuper des plans de réédification de la commune. Bien qu'ayant été nommé sur la liste adverse de la sienne, je l'ai toujours conseillé dans l'intérêt général et sans parti pris. Malheureusement, il avait d'autres conseillers néfastes qui lui firent défaire des plans bien tracés de la commune. Au bout de cinq ans, il fut lui-même balancé de la place de maire, mais passa conseiller au second tour. J'étais passé seul de sa liste au premier tour.
Le nouveau maire fut M. Lefebvre, très au courant des affaires, instruit et sachant bien présenter les questions. Je fus amené bien des fois, par la force des choses, à l'appuyer et à le défendre contre ceux de sa propre liste qui l'avaient porté à la tête de la mairie. Par notre accord et des idées que j'ai données tant pour la construction de l'église que des bâtiments communaux, je puis me rendre le témoignage que, s’ils sont ce qu'ils sont, c'est un peu grâce à moi.
Un souvenir à mentionner, j'ai eu le grand honneur comme président du conseil paroissial d'être sollicité pour être parrain de la cloche de la Victoire et mon nom est gravé sur le bronze de même que celui de tous les soldats originaires de Villers-Guislain morts pendant la grande guerre.

Ma tâche arrive à sa fin et il est probable que je n'ajouterai pas beaucoup de lignes à ces pages de souvenirs. Pour après mon décès, je les cède dès maintenant à mon aînée Marie-Louise. Mes autres filles pourront en prendre copie ou en faire des résumés mais j'engage fortement celles qui sont mariées de commencer dès que possible avec l'aide de leur mari, un cahier de famille. A toutes je remettrai un résumé généalogique de notre famille.
Pour commencer la première page, je leur conseille de mettre dans ce cahier les lettres annonçant naissances, mariages ou deuils arrivés dans le courant de l'année et, dans les longues soirées de chaque hiver, de prendre un moment pour transcrire les événements importants qui les ont touchées.
Maintenant que la photographie d'amateur est si répandue, on pourrait en coller des spécimens dans le cahier en indiquant les sujets et les époques des prises. Vu quelques dizaines d'années après, cela réveillerait bien des souvenirs.
J'ai vu que cette coutume des livres de maison existait dans le temps dans bien des anciennes provinces françaises et mon oncle Cornille, dont j'ai parlé, m'avait même engagé à en commencer un lorsqu'il apprit mon premier travail de généalogie. Mais à cette époque, j'étais trop jeune pour le comprendre et mon instruction n'était pas forte. Depuis j'ai lu beaucoup, le contact du monde et des gens d'affaires m'ont formé avec le temps, aussi, voulant appuyer mon conseil, je donne l'exemple à mes descendants.
Et comme à toute histoire il faut une conclusion, voici la mienne. C'est qu'avec une bonne entente, l'esprit d'ordre et d'économie joints à un travail assidu, on peut, même dans les familles nombreuses, maintenir son rang social. L'exemple des trois dernières générations de COUROUBLE et de mon oncle Isidore HAILLOT le prouve surabondamment.
Certains qui me lisent penseront peut-être ceci: Joseph COUROUBLE a intitulé sa notice "Histoire d'une famille" et il a parlé de plusieurs. C'est qu'à mon sens, une vraie famille comprend non seulement, le père, la mère et les enfants, mais tous les ascendants et les collatéraux auxquels elle est redevable, en bien des points, de ce qu'elle est. Voilà la raison pour laquelle j'ai écrit tout ce que je savais sur mes ancêtres afin que leur vie serve d'exemple à mes descendants.
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Arrêté au lieu de mon repos à CESSON, chez ma fille YVONNE, le trente et un Mai 1928, trente deuxième anniversaire du jour heureux où je rencontrai ma chère MARIA pour la première fois.

Joseph COUROUBLE




















































1 Petit village de Belgique à 5 Km au sud-ouest de TOURNAI à 3 Km du poste frontière de Saint Rémy Voir les "Archives de Tournai" qui montrent que les Courouble s'établissent là à la fin du XVIIème s.
2 Il s'agit de Jacques-François-Joseph Courouble, né à Froidmont le 16 Avril 1770 de Jacques Philippe Courouble et de Catherine Lepers.
3 Le mariage eut lieu à Esplechin le 15 Thermidor an IV de la république française, soit le 2 Août 1796.
4 En 1858, Lille ne faisait que 206 hectares, enfermée qu'elle était dans l'étau de ses fortifications dessinées par Vauban en 1670. La surface vitale par habitant n'était plus que de 2 m²1/2. Le préfet Vallon décide alors l'annexion des communes de Wazemmes, Fives, Esquermes et Moulins portant ainsi la superficie de la ville à 720 hectares. Ces agrandissements exigèrent la mise en chantier de tout un nouveau réseau de fortifications et la construction de 6 nouvelles portes (porte d'Arras, de Béthune, de Canteleu, de Douai, de Valenciennes.) Ces fortifications furent percées pour la première fois en 1903 pour la construction du Grand Boulevard et le passage du tram dit Mongy inauguré en 1911.
5 Le mariage avec Louise Juille eut lieu à Lille le 22 août 1874
6 L'oncle Alphonse mourut le 26-12-1932 dans sa maison du 11 rue Brûle-Maison, devenue rue Gosselet.
7 Lucie, dite "Lucie de Lille" aimait à raconter qu'étant née en 1883, elle était née dans l'ancienne maison à droite de la rue, tandis que son frère Achille, né en 1887, était né à gauche de la rue. La construction de la maison du 11 rue Gosselet date donc de cette époque. Elle était habitée en 1994 par Henri Margez, arrière petit fils de Louis (branche Jules) et fut vendue à la mort de Marthe Margez-Courouble sa mère (2004).
8 Petit Larousse :"Alexandre RIBOT, homme politique français né à Saint-Omer (1842-1923), un des chefs du parti républicain modéré, plusieurs fois ministre des finances, des affaires étrangères et président du conseil (1892-1917). Membre de l'Académie française.
9 La Belgique fut annexée à la France de 1795 à 1815 avant d'être réunie à la Hollande et d'acquérir l'indépendance en 1830.
10 Un peu d'histoire pour aider à comprendre les problèmes d'écoles tenues par les religieux et dont Joseph parle tout au long de son récit :
La guerre de 1870 fut une guerre franco-allemande et Joseph n'en parle pas puisqu'il habitait à ce moment là en Belgique avec sa famille. Or, après cette guerre perdue par Napoléon III, il y avait en France, comme toujours, une droite et une gauche :
- à droite: les royalistes partisans des Bourbons (comme Louis XVI), les royalistes partisans de la famille d'Orléans (comme Louis-Philippe) et enfin les Bonapartistes (partisans de Napoléon). Tous s'appuyaient sur le clergé catholique qui avait la main mise sur l'école et l'université.
- à gauche: les Républicains.
Entre 1875 et 1879, les abus de cette droite, dont la censure antirépublicaine, firent basculer la droite modérée vers la gauche et c'est avec 1 voix de majorité que la III ème République fut instituée. Elle durera jusqu'en 1940. La revanche des Républicains contre le clergé fut sévère. Des hommes comme Gambetta, Clémenceau, Grévy, Ferry et bien d'autres, mirent en place des lois qui démocratisèrent le pays dont la liberté de presse, de réunion, la création des syndicats et le retour à l'Etat du droit de conférer les grades universitaires. Cette mesure engendra la colère des Jésuites qui furent alors dissous et les congrégations religieuses eurent l'interdiction d'enseigner en France. Beaucoup partirent en Belgique. Par contre l'Etat instaura l'enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïc. La politique anticléricale s'accentuera jusqu'en 1905 où le parlement vote la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. En 1912 on ne comptera plus en France que 27 écoles religieuses contre 13.000 en 1880. Ce n'est qu'en 1940 que les congrégations enseignantes seront de nouveau autorisées
11 En 1862 Napoléon III lance une expédition pour essayer de fonder un empire en faveur de Maximilien d'Autriche qui devint effectivement empereur du Mexique en 1864; mais, impopulaire, il fut abandonné par Napoléon en 1867 et fusillé par les républicains mexicains.
12 Villers-Guislain est un village situé dans le département du Nord à 15 Km au sud de Cambrai entre Gouzeaucourt et Villers-Outréaux. On peut légitimement penser que la présence de son cousin curé à Villers-Outréaux n'est pas étrangère à l'installation de Louis à Villers-Guislain.
13 Au 39 rue de la Monnaie à Lille, à gauche de la cathédrale, se trouve encore, en 1994, ce très grand bâtiment que fut le pensionnat Notre-Dame de la Treille et St Pierre, institution des frères des écoles chrétiennes. C'est aujourd'hui une maison de retraite pour prêtres âgés.
14 Après la révolution, la conscription se faisait en France par tirage au sort. La Belgique, sous domination Française, fut assujettie au même système qu'elle garda après son indépendance. Le service militaire durait de trois à quatre ans. Les familles aisées dont le fils avait tiré un mauvais numéro, pouvaient payer un remplaçant pour faire le service à sa place. Ce procédé, fort injuste, fut supprimé en Belgique en 1909.
15 Il s’agit d’Alphonse Bay, fils de Louison Bay-Cornille sœur de la mère de Louis Angélique Courouble-Cornille.
16 Lucienne Courouble, veuve d'Adolphe, racontait que Paul, sitôt la guerre, la demanda en mariage à sa mère et que celle-ci refusa obstinément. La raison en aurait été que les deux premières épouses de Paul seraient mortes de la tuberculose, maladie qui, à l'époque, effrayait plus que le sida en 1994. Lucienne le regretta beaucoup disant que Paul était le plus charmant des Courouble.
17 Décidé à faire souche là-bas, il préféra partir étant marié. Il contacta alors sa tante, sœur Lucie, qui s'occupait d'un pensionnat de jeunes filles à Paris. Cette maison avait été construite par la ville de Paris pour les filles d'officiers de la légion d'honneur et offerte en cadeau à l'Impératrice Eugénie en remplacement d'un collier dont la ville voulait l'honorer. C'est ce qui explique que l'architecte avait donné au pensionnat la forme d'un collier. C'est donc Sœur Lucie qui présenta Marie-Louise à Jules et trois mois après, Isidore les mariait le 27 Novembre 1902 à Paris. Un Haillot, avocat à Dijon, fut témoin. Marie-Louise était d'une famille de neuf enfants dont le père travaillait aux chemins de fer.
18 Petit village de la Thiérache, près d'Avesnes sur Helpe (Nord). C'est là, dans la maison jouxtant la brasserie de la rue du moulin, que naquirent Louise et Lucien. Les parents de Lucienne tenaient une épicerie sur la place du village dans une grande bâtisse où moi qui vous écris ces lignes naîtrai en 1940. A quelques maisons de là, dans le café-épicerie Gardegaront, apparaissait en 1922 une petite fille baptisée Renée qui deviendra un jour Madame Lucien Courouble.
19 Nous verrons dans la deuxième partie comment sa tombe fut retrouvée dans le cimetière anglais de "Nine-Elms" situé dans le village de Thélus, près de Neuville-Saint-Vaast, sur la route de Lens à Arras. (Autoroute A26 = E15 sortie N°7 Thélus, premier cimetière à gauche de la route)
20 La tradition raconte qu'un obus l'avait enterré dans une tranchée et que l'obus suivant le déterra!
21 Marie-Louise étant née en 1897, elle a donc 5 ans quand elle entre en pension.
22 Honnecourt est un petit village voisin de Villers-Guislain.
23 Marie-Louise a alors 11 ans et Marie-Thérèse en a 9.
24 Il s'agit de la maison du 19 rue Fabricy à Lille où habite toujours, en 1994, sa nièce, Marthe Margez, fille de son frère Jules. Il resta là avec sa famille jusqu'à son retour à Villers-Guislain en 1920.
25 Joseph ne trouve pas nécessaire d'indiquer ici que c'est le 11 Novembre 1918 que l'armistice signé à Rethondes, près de Compiègne, mit fin à la "grande-guerre". Tous ses lecteurs en 1928 s'en souvenaient et nous aussi, bien sûr.
26 Elles ont à ce moment là : 23, 21, 18,16 et 11 ans.
27 Avant de reconstruire, il alla à Fourqueux chez son frère Jules pour s'inspirer des plans de la magnifique ferme qu'il louait à l'époque.
28 La malterie était la salle où l'orge germée était séchée et préparée pour faire la bière.
29 Il s'agit de Joseph Henry, né le 16 Décembre 1923, premier fils de Marie-Thérèse et second enfant de la nouvelle génération,- la quatrième à partir de Louis Courouble - derrière sa cousine Marie-Josèphe née un an plus tôt le 22 Décembre 1922, de Marie-Louise Pelzer.
30 Joseph ignorait-il que Marie-Louise était enceinte de sept mois de sa troisième fille Clotilde qui va naître le 31 Juillet 1928, soit 2 mois après avoir achevé son HISTOIRE ?
31 Pierre décèdera cependant de cette affection le 17 Avril 1941 à l'âge de 17 ans.